13/05/2012
Révélateur d'émotion
Il m’a toujours semblé que lorsque je vivais les choses elles étaient moins puissantes que quand je lisais ce que j’en avais écrit, un sentiment étrange se dégageait de ce hiatus. Comme un parfum de falsification, si mes mots rendaient à mon esprit ces instants plus forts, ces mots étaient ils sincères ou vrais ? Et ces instants avaient ils eu vraiment cette force ?
Pourtant je n’ai jamais eu l’impression de mentir ou d’enjoliver alors pourquoi ce sentiment ?
Henry Miller dont je lis un entretien m’en donne l’explication. Il dit qu’il puise une joie sensuelle à revivre une expérience, peut être même une joie accrue et d’expliquer, me donnant ainsi la clef de mon malaise.
« On goûte plus vivement, on ressent plus vivement les choses, il se peut qu’on mente un peu … l’important est moins de rendre exactement ce qu’il est que de faire respirer l’ambiance, l’aura de l’évènement.
La première fois qu’on fait quelque chose, on-en est pas conscient, on ne se regarde pas dans le miroir. Ensuite écrire c’est exactement comme de se mettre devant la glace et de se regarder recommencer la chose. On se penche sur son moi quand on écrit. C’est la différence entre un acte conscient et un acte inconscient. »
En écrivant on revis et on est autre, on est dans l’instant et on s’en élève, on peut donc à la fois être factuel mais aussi sensible, d’où cette différence.
Ce que l’on écrit on la réellement vécu mais sur l’instant ce vécu était noyé dans l’action, dans l’inconscience de celle ci plus exactement.
En posant des mots, on dégage de la gangue de l’action le fil des ressentis, en cela la lecture en est plus sensuelle.
A la relecture on revit et ressent, la mémoire et la conscience.
Voilà pourquoi Henri Roché écrivait " ces carnets débordent ils sont pleins - quand j'en relis j'ai l'impression d'une vie effrénée, tandis qu'en vivant j'ai toujours celle d'un calme lent, à part des moments d'activité fiévreuse"
Ce blog est comme le sel d’argent sur le papier photographique, il révèle l’image de ma mémoire et par l’art du tirage y apporte l'art de ces instants.
11:19 Publié dans DIVAGATION | Lien permanent | Commentaires (13)
Commentaires
« On goûte plus vivement, on ressent plus vivement les choses, il se peut qu’on mente un peu … l’important est moins de rendre exactement ce qu’il est que de faire respirer l’ambiance, l’aura de l’évènement. »
Oui, c'est tout à fait ça. Il m'arrive souvent de prendre des libertés par rapport à la réalité, quand j'écris le récit d'une rencontre, pour de multiples raisons, allant de ma mémoire défaillante (surtout si la mise en mot est éloignée dans le temps du moment où ce fut vécu) à la volonté de ménager certaines susceptibilités, en passant par le besoin de faire un récit digeste.
Pour autant, je ne sens pas ce hiatus quand je relis d'ancien texte, au contraire, ils font remonter en moins le doux souvenir de ces moments ; il n'y a pas de gêne, mais un réconfort.
Écrit par : Comme une image | 13/05/2012
CUI
ce hiatus je le sens au moment de la scène pas quand je relis le texte, je veux dire dans l'instant je n'ai jamais le sentiment d'être dans l'exceptionnel , j'agis c'est tout, c'est après que je m'en aperçois
Écrit par : waid | 13/05/2012
Belle explication, fidèle à mon ressenti
je ne peux me targuer d'écrire régulièrement et assidument comme toi (bon j'ai fini par adopter le tutoiement) ou certains blogueurs mais il m'arrive de relire certains de mes récits qui datent maintenant ... Je les relis avec la fougue et la curiosité d'une première fois, comme s'il appartenait à un(e) autre
Je chevauche les lettres et les mots, en jouissant des effets passés, autrement, et maîtrisant un peu mieux l'instant vécu, la psychologie du moment. Les mots étaient certes enjolivés mais les sensations étaient si fortes et déchaînées qu'on y ajoute un grain de sel pour que le tableau ressemble au passionnant moment vécu.
Un miroir de l'inconscient "on se penche sur son moi quand on écrit"
C'est incroyable car à l'époque, il m'arrivait de ressentir une étrange chose, ce que tu évoque : je m'élevais pour mieux contempler la vie, les expériences; et l'écriture m'y aidait beaucoup car elle reconstruit et sensibilise, l'action qui est pressée et ponctuée par le temps. Le temps qui file et qui, parfois ne nous permet pas de ressentir les choses que d'une seule manière ...
Ta dernière phrase est superbe. J'adore le jeu de mot ! :)
Écrit par : Mimilette | 13/05/2012
intéressant! :)
peut être parce que j'écris peu sous forme "récit",
ce qui me fait plaisir c'est la mise en mots, le fait même d'écrire est jouissance.
je prends le temps, je cherche les mots, les phrases, l'espace pour trouver les contours de ce que j'ai ressenti sur le moment.
je touche à quelque chose d'inconscient, d'intense à un instant vécu, sur le moment même je le perçois, ce que je veux c'est retrouver cette chaleur dans la respiration du texte.
du coup à la relecture, il n'y a pas de hiatus.
juste parfois une surprise de trouver des choses non voulues consciemment ou des images déjà présentes avant que j'en prenne conscience.
Écrit par : L'Onirique | 13/05/2012
mimilette
tu confirmes que les écrivains comme Miller donnent des mots à des sentiments diffus que nous n'arriverions pas à définir et comprendre exactement
L'onirique
le plaisir que vous évoquez se ressent d'évidence dans vos écrits , maintenant si en plus vous vivez totalement en consciences vos moments , vite la recette !!!! mais votre comme démontre que parfois sur le moment votre inconscient vivait et nous ne vous en rendiez pas compte ce n'est qu'à l'evocation que cette image se révèle, vous n'êtes pas si éloigné de la thése d'Henry Miller
Écrit par : waid | 14/05/2012
disons que je ne colle pas entièrement à la thèse d'Henry Miller, même s'il y a de ça.
il y a des choses qui échappent et qui sont révélées
il y a des choses "saisies" sur l'instant que je souhaite mettre en mots. (qu'ensuite cela en révèle d'autres..ou pas)
et je n'ai pas la recette :D
c'est une évidence sur le moment que le monde conscient et insconscient se rencontrent, qu'on vit quelque chose.. de fondateur, ou d'inoubliable je n'ai pas trop le terme.
Écrit par : L'Onirique | 14/05/2012
@ Waid
Heureusement qu'on ne peut pas TOUT traduire exactement. D'où le hiatus qui semble pour les uns trop exagérés (car dépassant leur champs imaginaire ou leurs valeurs, à cette époque ou une autre); pour les autres, confus car difficile de capter ces moments de la même manière, sous le même angle.
Les écrits de Miller furent, selon certaines critiques (d'une époque p-e trop puritaine - est-ce qu'elle a bien changé today ?!), jugées et jonchées de pensees fantasmatiques, gonflées par une certaine part de rêve ... (que j'approuve, pris dans le feu de la lecture) Ceci donne une certaine impulsion à des idées, permet de recapter l'instant vécu autrement, l'adoucir ou le cravacher pour mieux le digérer (et pour le lecteur) On le contourne quelque part, jamais l'expliquer clairement !
Sommes nous si parfaits que ça, pour arriver à reproduire à l'identique ces instants de vie ? Non ! On a juste la rage de vivre, librement, et à mon humble avis, vouloir l'écrire tel quel anéantirait la fougue de l'inconscient. Même en le prenant en photo, ce sentiment sera autre ... En apellera un autre et ainsi de suite. Difficile de Tout disséquer :) ... Enfin, je pense que nos raisonnements se rencontrent quelque part ( ;D @ L'onirique)
Écrit par : Mimilette | 14/05/2012
révélateur oui...mais enfin il serait faux de croire qu'aussi honnête puisse être l'écriture, elle n'est jamais le parfait miroir de l'instant, du fait, de la chose, du ressenti, du sentiment...parce que le simple fait de choisir un mot, une grammaire, une syntaxe, un rythme, une ponctuation trahi ce qui est passé. La mémoire même n'est pas si fidèle que cela, alors l'écriture...Plutôt que "révélateur", je dirais plutôt que l'écriture est le "fixateur"...
Pour élargir cette idée de 'révélateur" de l'instant , prenez l'exemple, sans parler de "ressentis " ou d'émotions qui sont par contre très personnels, demandez à deux personnes qui ont vecu la même scène de l'écrire en s'en tenant aux faits, mais très précisément : vous n'aurez pas la même version, bien souvent..
alors je crois que l'écriture permet, en plus de fixer l'instant, de le transcender , car les mots sont des comédiens ;))
Écrit par : anne | 15/05/2012
Ecrire sur soi ou ses expèriences , même si c'est en intimité c'est se réinventer ...faire une traduction , se représenter sans possibilité d'objectivité parfaite ; le plus agréable est d'en jouer pour dévoiler les facettes de "l'olibrius".
Quand je parviens à saisir des interprétations différentes voire apparemment opposées ou inconciliables , j'adore !
Mais cela n'apparaît souvent qu'après relecture , sur le moment ou bien longtemps après.
Quel plaisir de décoder, toucher du doigt ou des yeux telle ou telle subtilité , exagérations , voire manipulations de la "vérité" .
C'est une sorte d'auto analyse qui est autant intellectuelle que gourmande .
Cerise sur le parchemin, dans la façon de raconter ou de réinventer une expèrience, chacun laisse son empreinte ; mettre l'accent sur tel aspect est souvent révélateur .
C'est un plaisir de dénicher cette empreinte chez les autres et dans ses propres écrits :
abonder le dit par le non dit ou l'entre aperçu , carrément jouissif, lol.
C'est comme reprendre les chemins d'oeuvres clés de son existence , celles qui vous ont suggérés des pistes , ouverts des reflexions , provoquer des émotions ...et les apréhender diffèremment à chaque époque de la vie.
Ecrire les vécus me permet de pressentir leurs places dans une partition.
je suis une compulsive de l'analyse intelectuelle et sensorielle ; pour jouir plusieurs fois des échanges , des odeurs , des découvertes j'aime les réinvestir , tirer des instantanés en plongées , en contres plongées .
En passant parfois par les flous artistiques pour en éprouver l'inconnu ou tenter de saisir l'indicible ressenti. (Mais du coup j'ose rarement exposer ces délires sur mon blog , désolé je me suis étalée ici par contre , lol)
c'est ce que l'on nomme une assuétude ;-) , non ?
Écrit par : Mouillete | 16/05/2012
l'onirique, Anne, Mimilette, Mouillette
vos comm se croisent parfois différent mais venant de personnes qui toutes écrivent ils donne une lumière sur vos écrits , votre mémoire et le vécu de ce travail de fixation comme dit l'une de vous.
je suis heureux de ces échanges qui élèvent la discussion de ce blog parfois trop sexocentré sur ma bite et ses coups de reins.
vous avez toutes une sensibilité différente, qui vous fait vivre différement ces expériences d'écritures mais vous cofirmez toutes le plaisir de revivre et de mettre en mots des moments
Écrit par : waid | 16/05/2012
Eh bien il est temps de revenir à des posts sexocentrés sur ta bite et ses coups de reins ;) (j'ai dit ça, je n'ai rien dit) ... Un peu de légèreté, ça fait du bien aussi. Histoire de continuer à lire ta sensibilité !
Écrit par : Mimilette | 17/05/2012
Mimilette
rires ... j'ai un peu l'angoisse de la page blanche en ce moment
Écrit par : waid | 17/05/2012
Bravo pour l'universalité de ta réflexion !
Tu vois que je n'écris plus désormais, pas capable de poser plus qu'une phrase...
Mais le coeur y est :-)
Écrit par : Selina | 23/05/2012
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